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Deux Monochromes
27 juillet 2016

Les millions de Charlie Hebdo

L'exceptionnel afflux d'argent obtenu par les dons et les ventes de Charlie Hebdo a suscité de nombreuses tensions en interne. Luz et Patrick Pelloux ont aussi quitté la rédaction. Retour sur une année difficile pour l'hebdomadaire satirique. Janvier 2015 : Les membres survivants de Charlie Hebdo sont accueillis par Libération, qui leur aménage une salle de rédaction. Riss, qui prend la direction du journal, souhaite remettre rapidement l'équipe au travail pour sortir le «numéro des survivants», une semaine après l'attaque. Ce dernier sera tiré à près de 8 millions d'exemplaires. En parallèle, plus de 200.000 personnes, en France et à l'étranger, prennent un abonnement, de trois mois à deux ans, pour soutenir le titre. Les dons pleuvent sur le journal: 4 millions d'euros seront récoltés. Mars : Après une pause de plus d'un mois, Charlie Hebdo revient triomphalement en kiosque le 25 février. Les achats massifs en kiosque ainsi que les abonnements placent le journal dans une situation inédite: il n'a jamais été aussi riche. Sa trésorerie, fin 2015, est estimée à 20 millions d'euros. Une somme inespérée pour un titre en grave difficulté financière. Fin 2014, le journal avait lancé une souscription auprès de ses lecteurs et avait récolté 200.000 euros. Il avait engagé quelques mois plus tôt des discussions avec l'Etat afin de demander l'assouplissement des règles d'attribution des aides à la presse. La somme collectée met le journal à l'abri du danger pour plusieurs années. Mais certains membres de la rédaction s'inquiètent. Comment cet argent va-t-il être géré ? N'y a-t-il pas un risque d'enrichissement personnel? Tous gardent en mémoire l'exemple de 2006, où la Une «C'est dur d'être aimé par les cons» avait notamment permis au journal de dégager près d'un million d'euros de bénéfices. 85% de ces dividendes avaient été redistribués entre les actionnaires et l'auteur du dessin, Cabu. La rédaction ne l'a découvert que deux ans plus tard, au détour d'un article du Monde. Le 19 mars 2015, l'AFP dévoile un email interne annonçant la création d'un collectif, qui réclame plus de transparence dans la gestion du journal. «Nous refusons qu'une poignée d'individus prennent le contrôle, total ou partiel, du journal» Collectif formé par plusieurs salariés de Charlie Hebdo Avril : Le 1er avril, ce collectif, présidé par Laurent Léger, et dont font partie Luz, Patrick Pelloux, Philippe Lançon, Singolène Vinson ou Zineb El Rhazoui, signe une tribune dans Le Monde qui évoque «le poison des millions». «Nous refusons qu'une poignée d'individus prennent le contrôle, total ou partiel, du journal, dans le mépris absolu de ceux qui le fabriquent et de ceux qui le soutiennent», peut-on y lire. Le collectif vise implicitement le duopole formé par Riss, directeur de la publication, et Eric Portheault, directeur financier, devenus seuls actionnaires du journal. Les 40% détenus par Charb sont revenus temporairement à sa famille. Le collectif souhaite que le capital soit ouvert à l'ensemble des salariés du journal, qui fonctionnerait sous forme de coopérative. Mais la direction fait rapidement savoir son opposition. Mai : La rédaction fait de nouveau les gros titres de la presse après la convocation de la journaliste Zineb El Rhazoui à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave. Pour la direction, il s'agit simplement de «la rappeler à ses obligations minimales vis-à-vis de son employeur, suite à de nombreux incidents». Mais la journaliste y voit une sanction vis-à-vis de ses prises de position au sein du collectif. La procédure est rapidement abandonnée. Quelques jours plus tard, Médiapart révèle que le dessinateur Luz a décidé de quitter le journal. Il officialise sa décision peu après. «Si je me barre, c'est que c'est difficile pour moi de travailler sur l'actualité», explique-t-il à Libération. «Les petits évènements anodins, ça me passe au-dessus de la tête désormais parce qu'on a vécu quelque chose qui n'est pas anodin.» De plus «chaque bouclage est une torture parce que les autres ne sont plus là». En parallèle, la direction s'attaque à l'épineux dossier de l'argent. Elle indique que les quatre millions d'euros de dons seront versés aux victimes des attentats de janvier et à leur famille. L'argent est placé à la Caisse des dépôts. Sa répartition sera décidé par une autorité indépendante. Juillet : Deuxième volet du dossier financier: la gestion des incroyables bénéfices de l'année 2015. Charlie Hebdo devient le premier journal à adopter le nouveau statut «d'entreprise solidaire de presse», créé après l'attentat. Ouvert aux entreprises de presse de moins de 50 salariés, il impose de réinvestir dans la société 70% des bénéfices annuels. Les deux actionnaires du journal choisissent de bloquer les 30% restants durant trois ans et de ne pas se reverser de dividendes. Une façon de rassurer le collectif: l'argent issu des abonnements et des ventes phénoménales du titre ne conduira pas à un enrichissement personnel. Mais le capital n'est pas ouvert: il reste concentré entre les mains de Riss et de Eric Portheault, qui ont entre temps racheté la part détenue par la famille de Charb. Septembre : Comme il l'avait annoncé en mai, Luz quitte Charlie Hebdo. Il est suivi peu après par l'urgentiste Patrick Pelloux. À la fin du mois, l'équipe quitte la rédaction de Libération pour rejoindre des locaux ultra-sécurisés dans Paris. Riss, directeur de la publication de Charlie Hebdo, détient à ce jour près de 70% du journal. Décembre : La direction annonce que les 4 millions de dons seront versés aux familles des victimes «dans les prochaines semaines». La répartition des dons sera décidée par un «Comité des sages» indépendant, chapeauté par les ministères de la Justice, de la Culture et des Finances. «Ces hauts magistrats et hauts fonctionnaires ont commencé leurs travaux qu'ils mènent de façon strictement confidentielle, en toute indépendance et impartialité», indique la direction du journal. La question brûlante de l'argent semble désormais réglée. Depuis juillet, le collectif n'a plus émis de critiques. Janvier 2016 : Le journal commémore le premier anniversaire de l'attentat avec un numéro spécial de 32 pages, tiré à un million d'exemplaires. Un an après, le journal a su conserver un lectorat fidèle, avec de 80.000 à 100.000 ventes en kiosque par semaine, contre 20.000 en 2014. Les abonnés sont actuellement 180.000, mais 120.000 d'entre eux vont voir leur souscription expirer en février. L'un des défis de la rédaction sera d'en conserver le plus possible. L'autre problématique de 2016 sera le recrutement de nouveaux dessinateurs: Riss et Coco assurent chaque semaine entre 50 et 70% des illustrations du titre. Seul le dessinateur Juin a rejoint le journal depuis les attentats. Eric Portheault et Riss vont également ouvrir le capital de Charlie Hebdo à de nouvelles personnes, choisies par leur soin. Mais la gestion collective de l'hebdomadaire est toujours exclue.

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